Tout commence par un diagnostic. Avant qu’une équipe de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) ne mette au jour un cimetière rupestre directement sculpté dans la roche, plusieurs étapes ont été nécessaires. D’autres permettront dans un futur proche de poser les premières explications sur ces trouvailles.
Alors qu’un particulier souhaite développer un projet immobilier dans le quartier Saint Ferréol d’Uzès, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) Occitanie demande un diagnostic à des fins d’archéologie préventive. Le but est ainsi de préserver des lieux avec un fort potentiel archéologique avant tout projet d’aménagement. « Le diagnostic a commencé en janvier 2021, avance Liliane Tarrou, responsable scientifique pour l’Inrap, en charge de ces fouilles. Le but de l’opération est de creuser, à l’aide de pelles mécaniques, des tranchées sur 10% de la surface afin de repérer le potentiel du lieu ».
Dès les premiers coups de pelle
Il n’a pas fallu longtemps pour trouver quelque chose. « Dès les premiers coups de pelleteuse, nous avons trouvé des premiers éléments », se souvient la responsable.
Après la remise d’un premier rapport, la Drac décide d’engager des moyens pour établir de véritables recherches. En septembre 2021, une équipe de sept-huit personnes en moyenne, est dépêchée sur place. « C’est un délai relativement bref pour l’étude d’un diagnostic. Nous savions que le potentiel archéologique du quartier était important, trois autres dossiers étaient en cours ». Très vite donc, les premières tombes apparaissent. Sur la partie ouest, les sépultures, creusées dans la roche, affleurent à une quinzaine de centimètres sous la surface.
« Nous opérons par étape, décrit Liliane Tarrou. Dans un premier temps, nous enlevons la terre végétale pour étudier ensuite tout ce qui n’a pas été atteint par une activité humaine récente ».
La parcelle en question était un ancien jardin, les constructions humaines étaient donc très limitées, ce qui a préservé le lieu. « Nous ne pouvions pas évacuer la terre du fait des rues trop étroites. Nous avons alors effectué nos fouilles sur une première moitié puis la seconde ». Les recherches ont ainsi permis de comprendre la disposition du cimetière. « Certaines tombes se situent à 15cm en dessous du sol, d’autres à 1,5m. On peut donc imaginer qu’il était en pente, orienté d’ouest en est ».
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Des ossements et des céramiques
Les 200 sépultures ont donc été progressivement mises au jour puis recouvertes, pour la continuité des recherches. Mais leurs contenus ont été soigneusement nettoyés, photographiés, inventoriés puis retirés pour être envoyés au centre archéologique de Nîmes.
« De ma propre expérience, c’est la première fois que nous retrouvons autant de tombes dans un lieu de fouille, concède Liliane Tarrou. Nous avons retrouvé de nombreux ossements et céramiques, très bien conservés, qui nous en apprennent un peu plus sur la période et surtout les rites funéraires de l’époque, même si ce seront les études et le rapport final qui donneront le plus d’éléments tangibles. La période comprise entre le VIIe et le XIIe siècle est obtenue en comparaison avec d’autres sites similaires, notamment par la forme des tombes ».
D’après les premières conclusions, « la mise en œuvre du cimetière résulte de pratiques religieuses dictées par les législateurs ecclésiastiques, note Liliane Tarrou. Femmes, hommes et enfants ont reçu le même soin : un creusement dans la roche à la forme du corps avec souvent un coussin rupestre pour la tête et des dalles de couverture protégeant le défunt de tout contact avec la terre ».
L’équipe de recherches note aussi que les tombes ne se croisent pas témoignant « de dispositifs de signalisation », potentiels ancêtres de ce qui existe à la surface des cimetières aujourd’hui. « Les arguments archéologiques font défaut mais des petits tertres ou des croix en bois par exemple devaient faire partie du paysage du cimetière de Saint Ferréol », complète la responsable scientifique.
Une trentaine de pots globulaires feront l’objet d’études cet automne. « Une série conséquente en très bon état qui nous permettra peut-être de savoir ce qu’ils mettaient dans ces pots : des cendres, de l’eau bénite ou de l’encens », poursuit Liliane Tarrou.
Dans l’attente des conclusions du rapport, qui doit être rendu à la Drac en février 2024 au plus tard, la population de l’époque « ne semble pas présenter de recrutement ou de localisation spécifique par âge ou par sexe au sein du cimetière. L’étude par des anthropologues, couplée à des données historiques, permettront d’appréhender les modes de vie, les conditions de travail et la provenance de cette population, complète la responsable. La question de l’église, toujours à proximité d’un cimetière se pose désormais. Les fouilles archéologiques à Uzès sont loin d’être terminées. Plusieurs diagnostics sont en cours et plusieurs zones ont déjà montré leur richesse ».
Une conférence sur ces fouilles est prévue à Uzès le 16 septembre prochain, en présence de Liliane Tarrou.
Pour retrouver les premières résultats des fouilles archéologiques autour de ce cimetière, rendez vous sur le site de l'Inrap.