C’est un voyage dans le temps que propose l’association L’Uzège en conviant le chercheur et docteur en archéologie Samuel Longepierre. Ce dernier a participé à la première tranche des fouilles qui a eu lieu durant l’été 2022, sur la commune de Saint-Quentin-la-Poterie, non loin du domaine de Castelneau.
Un site exceptionnel, plutôt bien conservé, qui s’étend sur trois hectares et dont les fouilles sont impulsées par l’association L’Uzège, qui assure aussi une partie du financement grâce à un mécénat d’entreprises mais également par des aides de la Région Occitanie et du ministère de la culture. « Pour remettre en contexte, le site de Massargues date du Moyen-Âge classique, entre les XIIe et XIIIe siècles. C’est l’époque de la formation des villages, de la mise en place de la féodalité. On est en plein dans cette phase, commence Samuel Longepierre. La grande spécificité de Massargues, c’est sa taille qui n’a pas d’équivalent connu. De tous les sites archéologiques connus dans le sud de la France, Massargues est le plus important en termes d’habitat ».
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Cette taille, relativement impressionnante pour l’époque, pousse les archéologues de l’Inrap à se questionner sur la nature de Massargues. « Ce n’était pas seulement un village mais un bourg, avec une organisation urbanistique, un plan que l’on peut dire régulateur. On a un modèle préconçu dans l’organisation de la mise en place des quartiers, les maisons ne sont pas dispersées ni désordonnées. Ça fait écho à ce que l’on connaît en ville », poursuit le chercheur qui indique également que le bourg a certainement dû connaître une forte période d’expansion avec une pression foncière forte.
L’abandon de Massargues
La question que nous sommes en droit de nous poser désormais, c’est comment se fait-il qu’une cité de cette taille n’ait pas continué à prospérer. « Si Massargues n’avait pas été abandonnée, elle aurait continuer à se développer et sa taille pourrait aujourd’hui égaler celle de villes comme Alès ou Bagnols-sur-Cèze ».
"À cette époque, il n’y a que deux raisons pour lesquelles une ville est abandonnée. Soit c’est à cause d’une pandémie, un dépeuplement ou une crise démographique, soit c’est une disparition politique. Je penche pour cette seconde option"
Désormais, le travail de l’archéologue est de déterminer pourquoi la cité s’est éteinte et pourquoi les anciens manuscrits ne mentionnent pas Massargues. « On ne connaît pas les modalités de cet abandon et c’est notre rôle de mieux comprendre son cadre historique. C’est le plus gros site archéologique de toute la région pour le Moyen-Âge central et il a été abandonné, ça pose question, poursuit Samuel Longepierre. À la fin du XIXe siècle, les textes ne relevaient plus aucun feu, ce qui indique que le lieu était d’ores-et-déjà abandonné. Massargues est une anomalie. Alors que tous les villages actuels sont recensés dans les textes, l’église du bourg n’est même plus mentionné pas l’administration ecclésiastique ».
Une disparition qui semble soudaine et qui laisse penser, d’après le chercheur, à une volonté politique. « À cette époque, il n’y a que deux raisons pour lesquelles une ville est abandonnée. Soit c’est à cause d’une pandémie, un dépeuplement ou une crise démographique, soit c’est une disparition politique. Je penche pour cette seconde option ». En effet, la site de Massargues est une création du Comte de Toulouse qui souhaitait avoir la main-mise sur une petite partie du territoire proche du diocèse d’Uzès. Le Comte était très puissant et son rayonnement s’étendait sur une grande partie de la vallée du Rhône. « Quand le Comte de Toulouse a perdu la guerre contre le royaume de France, au début du XIIIe siècle. Après ce revers, il y a une véritable politique royale contre tous les soutiens du Comte de Toulouse. Ça pourrait apporter un premier élément de réponse à la disparition de Massargues ».
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Ce bourg médiéval a encore bien des secrets à révéler aux archéologues et après les premières fouilles programmées, deux autres campagnes estivales sont prévues en 2023 et 2024.
À ce jour, seul un sixième du site a été étudié et de nombreux mystères restent entiers. Tant et si bien qu’il est possible qu’une nouvelle campagne triennale de fouilles soit programmée après 2024, à condition de trouver les financements nécessaires.
Le vendredi 10 février 2023, à 18h, à la salle polyvalente de l’Évêché. Entrée libre.