Elle est la voix qui accompagne les auditeurs de France Inter en début de soirée avec son émission L’heure bleue depuis 2016. Figure emblématique de la station, Laure Adler a sorti en septembre son dernier livre intitulé « Françoise Héritier, le goût des autres ». L’ouvrage retrace la vie de cette femme extraordinaire, disparue en 2016, qui aura dédié sa vie à la cause des femmes à travers le monde en luttant contre toutes les formes d’oppression. « C’est venu comme un témoignage d’amitié et d’admiration pour une amie qui m’est chère car je crois que l’on peut admirer ses amis, sourit Laure Adler. Quand elle a disparu, elle m’a beaucoup manquée et j’ai remarqué que sa disparition avait été suivie par un silence assourdissant. Modestement, j’ai souhaité rendre hommage à sa vie romanesque, à son existence d’aventurière. Je me suis dit que j’allais essayer d’écrire sa vie comme un "roman vrai" pour faire connaître une de ces nombreuses femmes, nos aînées, que l’Histoire efface trop rapidement ».
Une amitié essentielle
Ce lien d’amitié indéfectible entre Françoise Héritier et Laure Adler est né lors d’un voyage entre amis dans les Cévennes. Une rencontre qui fut cruciale pour la journaliste. « Je l’ai rencontrée quand j’avais 18 ans environ, grâce à mon cercle amical. J’étais alors étudiante en philosophie et en anthropologie. Françoise Héritier avait alors une trentaine d’années et elle a été très importante pour moi. Elle m’a donné confiance en moi, en ce que je pouvais faire. Elle a été très généreuse et m’a donné de l’élan ».
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Des vacances qui lieront leur amitié. Laure Adler se souvient d’une randonnée, que « les garçons avaient décidé de bouder ». Indépendantes, l’écrivaine et Françoise Héritier avaient donc décidé de partir seules. « Nous étions de grandes marcheuses et on est partie faire une belle randonnée. Elle a été plus courageuse et moins vite fatiguée que moi mais je l’ai suivie jusqu’au bout. À partir de là, elle m’a prise "sous son aile" », se souvient l’ancienne directrice de France Culture.
Féministes convaincues
Leur relation s’est également construite grâce à leurs convictions communes, toutes deux étant profondément féministes. Une cause que soutient Laure Adler depuis 1979. « Françoise Héritier a été une grande théoricienne du féminisme et a écrit deux livres à ce sujet. Elle parle de la place des femmes dans la société, du patriarcat et de son abolition mais aussi des grandes révolutions féministes. Pour elle, dès l’aube de l’humanité, les Hommes ont été jaloux des Femmes car elles seules pouvaient avoir des enfants. C’est donc pour cela que, d’après elle, elles furent enfermées et le droit à l’avortement fut la clé de l’émancipation des femmes car dès ce moment là, elles pouvaient faire des enfants quand elles le voulaient. Mais Françoise Héritier savait que ce droit n’était pas un droit garanti et qu’il serait remis en question, comme il l’est aujourd’hui aux États-Unis notamment. L’actualité lui a donné raison », souligne l’essayiste qui n’hésite aucunement quand elle doit choisir le mot pour décrire son amie disparue. « Lumineuse, lance-t-elle sans tergiverser. Elle souriait tout le temps et aimait la vie ». Quant aux adjectifs qu’elle choisirait pour se décrire elle-même, Laure Adler préfère « maladroite ou pataude ». Ce qu’elle n’est aucunement tant son dernier ouvrage est troublant de sincérité. Une qualité que la journaliste a puisé dans cette amitié qui l’a tant marquée et qui les lie, elle et Françoise Héritier.
Rencontre avec Laure Adler, animée par Éric de Kermel, le jeudi 24 novembre 2022, à 19h, à l’Ombrière. Gratuit sur réservation : billetterie.lombriere.fr